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Bruxelles, Belgium
J’ai travaillé plusieurs années dans le secteur de l’éducation en prison, à l’Unesco. J’ai visité les prisons d’environ 80 pays et ai rencontré des ministres de la justice et de l’éducation, des directeurs de prisons, des éducateurs et des détenus et leurs familles. L’objectif de ce blog est de diffuser l’information que je continue de recevoir ainsi que celle que j’ai accumulée pendant mes nombreuses années de « chercheur principal » de l’Unesco. Un autre objectif est de contribuer à nourrir une réflexion qui est loin d’être close à propos de la prison, de l’éducation, de la peine, de la réinsertion, du rôle de l’état, de la responsabilité du détenu … C’est un vaste débat que l’éducation en prison. C’est pourquoi ce site accueillera toutes les informations, présentations d’expériences, recherches et études ainsi que les initiatives gouvernementales dans ce secteur. Je peux lancer et entretenir ce blog grâce à l’appui de l’Agence Education Formation de la Fédération Wallonie Bruxelles qui a accepté mon projet d’assistanat Grundtvig à Barcelone, pour les quatre derniers mois de l’année 2011. Marc De Maeyer Barcelone, le 7 octobre 2011.

vendredi 25 novembre 2011

L'extérieur est rentré !

L’extérieur est rentré

Les amis

Bien sûr, ce sont des amis, des convaincus, des convertis à l’idée que l’enfermement n’est certainement pas la seule solution. Ils sont venus rencontrer ceux qui sont dedans et apprécier leur travail de théâtre.

Il y a donc une ambiance de sympathie, d’empathie. Si on est certes pas dans le même bateau, on est tout au moins de la même aventure – au moins pour quelques heures.

La plupart des spectateurs sont des adversaires de la prison, du moins telle qu’elle fonctionne dans la plupart des pays – même développés. Ils savent que la prison ne sert pas à grand-chose, en tout cas pas pour le détenu. Elle rassure la société, certes, oui.

Ils sont venus voir ce qu’il y a entre toi et moi; entre étroit émoi.

Le succès est assuré, même s’il est vraiment mérité tant il y a du travail et de la conviction dans ce que les acteurs donnent d’eux-mêmes. Il n’est dès lors pas surprenant que les spectateurs se focalisent davantage sur les trajectoires individuelles, encore inconnues, que sur le travail collectif sur lequel, même de l’extérieur, on croit avoir le minimum d’information nécessaire.
On veut savoir qui, dans la troupe, est du dehors et qui est du dedans. Pour voir quelle différence ?

Hier aussi, la TV de Catalogne préparait un reportage; les jeunes détenus ont répondu aux questions des journalistes. Moments inhabituels, sauf pour ceux qui ont eu « les honneurs » des faits divers, au moment de leur condamnation... et encore ..  car à ce moment-là, on ne leur a pas demandé leur avis !

Il est essentiel que ceux du «dehors» soient informés des initiatives qui se prennent à l’intérieur car il ne s’agit quand même pas que d’enfermer. Une fois que les portes sont bien fermées et les barreaux bien fixés aux fenêtres, on fait quoi ?

Cent vingt personnes ont donc vécu ce spectacle, ont reçu les questions posées pendant celui-ci et sont reparties avec.

Les gardiens

Ce qui est remarquable dans l’organisation de ces représentations, c’est la collaboration de l’administration pénitentiaire. Malgré une grève spontanée du personnel, le matin, en réponse à des projets gouvernementaux relatifs aux salaires de tous les fonctionnaires, le personnel pénitentiaire a été chercher les détenus dans leurs modules de vie, a coopéré à l’enregistrement des spectateurs, a organisé avec discrétion la sécurité. Cela mérite d’être souligné quand on sait que dans certains pays, dont le mien, les gardiens refusent même d’aller chercher les détenus en cellule pour les amener aux cours.
Il faut dire que les gardiens de mon pays ne sont pas très formés. C’est toute la différence entre deux pratiques professionnelles dont pourtant la description se ressemble. On pourrait croire qu’un gardien de prison ressemble à un autre gardien de prison. Ce n’est pas vrai ; cela dépend de leur engagement lui-même soutenu par une administration pénitentiaire plus ou moins éclairée et des syndicats dynamiques ayant une vision globale et non bêtement corporative.

Certains gardiens ont même félicité les détenus qu’ils connaissaient, à la fin du spectacle. Garder ne veut pas dire mépriser.

C’est bien la preuve qu’aucune initiative en prison ne peut réussir sans la collaboration entière des gardiens et de l’ensemble du personnel. Quel est le sort d’un programme d’éducation, de sport, de culture, de santé si le personnel ne veut pas aller chercher les détenus en cellule, s’il ne veut pas les aider dans leurs démarches positives, si même parfois il s’agit ni plus ni moins de sabotage.

Comme si ce genre d’initiative risquait, à terme, de remettre en question le statut des gardiens, statut dans lequel ils se sentent peu valorisés.
Ici, personne ne se sent menacé… même si on est entouré de délinquants, dont certains, ont des casiers judiciaires « impressionnants ».


La société civile

Même si les spectateurs sont des sympathisants, ils constituent aussi l’opinion publique et dans nos systèmes pénitentiaires, il est fondamental que cette opinion publique puisse entrer en prison. Ce ne sont pas que les ONG spécialisées et les églises qui doivent être la société civile présente en prison; il faut aussi que d’autres viennent régulièrement. Dans ces conditions, ce ne sera pas du voyeurisme mais de la solidarité et de la vigilance.

Les visiteurs ne changent pas l’univers concentrationnaire mais, par leur simple présence lors de tels événements, ils rappellent que la prison, ce «dedans» est aussi à l’intérieur de la société. Quatre murs, quelle que soit leur construction et leur protection, écartent un peu du reste de la société mais ne sont en aucune manière une négation de la société.

Personnel pénitentiaire, éducateurs, gardiens, familles, bénévoles, ONG,     églises même doivent continuer à entrer en prison et rencontrer les détenus.
Même avec des messages différents – pour peu qu’ils ne visent pas à replacer un conditionnement par un autre – ils doivent manifester l’intérêt ou tout au moins l’attention du dehors sur ce qui se passe dedans.

C’est une minorité qui est enfermée mais ce sont des personnes qui sont, en ce moment, dans l’échec le plus total.

Demain, ce seront les familles qui assisteront au spectacle; ce n’est pas n’importe quel extérieur… même si certaines familles sont plus extérieures et indifférentes au sort des détenus que certains sympathisants.


Portes ouvertes….

Evidemment que les acteurs souhaiteraient que cette opération « portes ouvertes » puisse avoir lieu dans les deux sens; qu’il n’y ait pas que l’extérieur qui  puisse venir à l’intérieur mais que ceux du dedans puissent aussi aller dehors… mais cela, c’est vraiment une autre histoire, un tout autre débat.


Marc De Maeyer
Barcelone, le 24 novembre 2011


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